C’est trop injuste, comme disait Caliméro ! Personne il est gentil avec Calimacron, surtout pas le grand méchant Poutine. Il était pourtant plein de bonnes intentions, notre président, comme le poussin sorti de l’œuf avec sa coquille sur la tête. Fort de son nouveau titre tout neuf de président de l’Europe, il allait jouer à l’artisan de paix, un nouveau déguisement sous lequel il espérait entrer un jour au Panthéon. Au début du mois de février, il s’était donc rendu à Moscou, puis à Kiev, pour jouer les bons offices. Dans l’avion qui l’emportait en Russie, il avait confié aux journalistes qu’il ne croyait pas aux « miracles spontanés » – ce dont on peut conjecturer que le président de la Franceurope à titre intermittent croit quand même aux miracles, mais soigneusement préparés, comme son élection en 2017.
En l’occurrence, il ne s’en est pas produit et les autocongratulations macroniennes lors du retour en France (Jupiteux prétendait que Poutine s’était engagé à ne pas prendre d’initiatives militaires…) n’ont pas empêché l’ours russe de faire patte basse sur l’Ukraine. Rendu méfiant par ce camouflet, mais pas complètement échaudé, Macron a déclaré le 15 mars qu’il « n’excluait » pas de retourner à Moscou ou à Kiev, mais que les « conditions n’étaient pas remplies » pour le faire « dans les prochains jours ». En effet, les périodes de conflit ne sont pas les mieux choisies pour les visites touristiques.
L’homme de la paix ratée a endossé incontinent le treillis du chef de guerre verbale. Derrière lui, son ministre préposé à l’économie a cru bon d’emboucher lui aussi la trompette guerrière, comme dans la chanson. Mémaire s’en va-t-en guerre, mironton, mironton, mirontaine, on allait voir ce qu’on allait voir. La France désindustrialisée, surendettée et quoiqu’il-en-coûtisée, allait livrer au peuple russe une guerre économique qui le mettrait à genoux. Las ! L’ancien président russe Medvedev ayant rappelé dans un tweet – rédigé en français pour être bien compris – que les conflits économiques peuvent mener à la guerre tout court, la trompette mémairienne a fait couac. Et l’on n’a pas tardé à comprendre qu’en fait de sanctions et de guerre économique, ce sont les Français qui paieront l’addition de la politique macroniste.
Eric Letty
(Texte publié dans Monde et Vie, numéro d'avril 2022)