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  • Eric Letty

Les conseillés sont toujours les payeurs

Dernière mise à jour : 10 sept. 2022


Le macronisme n’a pas fait que des déçus. Les cabinets de conseil, comme Mc Kinsey, Boston Consulting Group, Capgemini, Accenture… n’ont eu qu’à se féliciter de la gestion jupiteuse. Selon un rapport du Sénat intitulé « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », l’Etat leur a confié, entre 2018 et 2021, des missions rémunérées pour un total dépassant 2,4 milliards d’euros. « Consulter la liste de ces prestations peut donner le vertige », écrivent les sénateurs. Et quelles missions ! Les rapporteurs citent l’exemple d’une « Convention des managers de l’Etat », finalement annulée, pour laquelle près de 560 000 euros ont été versés aux cabinets BCG et EY. Ces derniers avaient prévu de réunir 1821 hauts-fonctionnaires, invités à plancher sur des thèmes tels que : « Comment remettre la simplicité au cœur des organisations ? », ou « l’Administration libérée ». J’aurais plutôt pensé à un symposium sur les administrés libérés… De même, McKinsey a reçu 496 800 euros pour préparer un colloque, lui aussi annulé, sur l’avenir du métier d’enseignant… L’Etat français, décidément bon enfant, omet en outre de demander à ces sociétés de bienfaisance de payer leur impôt sur les sociétés en France. Ainsi McKinsey, dont la société mère est basée au Delaware (un paradis fiscal américain) n’a-t-il pas versé un euro d’I.S. au fisc depuis au moins dix ans. Ces conseillers n’avaient donc pas besoin de se refaire une santé quand a éclaté l’épidémie de Covid-19, ce qui ne les a pas empêchés de la mettre à profit pour augmenter leurs bénéfices. « Des pans entiers de la gestion de crise [ont été] sous-traités à des cabinets de conseil », constatent les sénateurs. 68 commandes ont été passées, pour un montant de 41 millions d’euros dont les trois quarts ont été versés aux cabinets McKinsey, « clef de voûte de la campagne vaccinale », Citwell et Accenture.


On se demanderait presque à quoi servent les hauts-fonctionnaires : faudra-t-il demander à BCG ou EY d’organiser un nouveau colloque annulé pour éclaircir cette question ? Une autre question concerne le rapport entre la souveraineté nationale et ces cabinets privés étrangers, influant sur les décisions des gouvernants et susceptibles d’avoir accès à des informations sensibles. Que font-ils des données qui leur sont confiées ? Et quid d’éventuels conflits d’intérêt ? Pour régler le problème, le plus simple serait sans doute de revendre l’Etat français à McKinsey. La France deviendrait une filiale de la société de conseil, on remplacerait le drapeau tricolore par le logo de la société américaine et on rebaptiserait notre pays « McKinsey-France Ltd. Incorporation ». Nos fonctionnaires deviendraient ainsi des salariés US (les cabinets de conseil emploient déjà 40 000 consultants en France), le président de la République changerait de titre pour devenir PDG de la filiale, on remplacerait avantageusement les élections par des assemblées de petits porteurs et nos dirigeants, intéressés aux bénéfices, ne seraient plus tentés par la haute trahison. Voilà-t-il pas une bonne idée ? Et gratuite, encore !



Texte publié dans Monde et Vie, numéro d'avril 2022

(Photo : caricature Grégory Roose / pixabay)



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